FIDÉLITÉ & OUVERTURE
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Le Colloque de Strasbourg (1971)

A l'origine du Groupe Fidélité et Ouverture, il y eut le colloque qui réunissait à Strasbourg un grand nombre de personnalités inquiètes de l'évolution de l'Eglise dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II.
Voici quelques extraits des interventions qui eurent lieu au cours de ce colloque dont les textes furent publiés sous le titre " Fidélité et Ouverture " (Mame 1972) :

Une réunion à Thaumiers (Cher) chez le Colonel de Bonneval (à dr. au 1er plan)

Origine du Colloque, par Gérard Soulages.
" Le Colloque d'intellectuels catholiques de Strasbourg est né d'une initiative des " Silencieux de l'Eglise ", qui connaissent une grande inquiétude en voyant que le peuple chrétien est appelé à entreprendre un combat démesuré pour assurer la défense de la foi. La foi est absolument nécessaire au christianisme. C'est son fondement. Le juste vit de la foi. Et aussi le peuple fidèle. C'est là sa force. Par la vie de la foi, il va à l'essentiel du christianisme d'instinct - et on ne lui arrache pas facilement cet essentiel, car autrement on disloquerait l'intelligence qu'il a de Dieu et de l'Evangile, et par là on l'atteindrait au plus intime de lui-même, dans son être même. Ne l'oublions pas : la foi est la forme la plus profonde de la vie. (…) "

Manifeste du Colloque de Strasbourg (extrait)
" Que le christianisme, et spécialement l'Eglise catholique, connaisse une très grave crise, c'est ce qui ne peut plus être caché. Des théologiens aussi peu suspects d'intégrisme que le Père de Lubac, le Père Bouyer ou le Père Congar ont dit à tous leur inquiétude. Le pape Paul VI a lancé un cri d'alarme et la cardinal Daniélou s'est fait plusieurs fois l'écho de la parole pontificale. Après Vatican II, dont nous avions tous accueilli l'annonce avec joie, nous pouvions espérer voir s'accomplir un renouveau religieux sous le double signe de la fidélité et de l'ouverture. Hélas, des infidélités graves et des scandales ont mis en danger les possibilités de l'ouverture et d'un renouveau du christianisme. Une sorte de frénésie s'est emparée de certains qui ont inventé un Vatican III mythique, oubliant de façon insensée l'enseignement des conciles antérieurs et parfois même de vingt siècles de tradition chrétienne. (…) "

Jean Guitton

Allocution du cardinal Daniélou (extrait)
" Il y a une crise réelle sur le plan de la foi. Le peuple chrétien se demande s'il peut toujours croire ce qu'on lui a enseigné. Les grandes affirmations de notre foi, celles que nous avons tout à l'heure, dans le Credo, proclamées à nouveau : le Dieu en trois Personnes, l'Incarnation et la Conception virginale, la Résurrection du Corps du Christ sont-elles aujourd'hui encore l'objet de notre foi ?
Or, il n'y a pas un de ces dogmes qui ne soit aujourd'hui contesté par quelques théologiens. C'est là où le peuple chrétien a raison de s'inquiéter. Il a raison de s'inquiéter parce qu'il se sent menacé dans ce qui constitue la substance même de sa foi. (…) Ce qui nous rassemble aujourd'hui, c'est une volonté de défendre la foi contre tous ceux qui la déforment. (…) La seconde chose qui est aujourd'hui menacée, c'est l'Eglise. L'Eglise en tant qu'institution a été établie par le Christ lui-même, fondée sur les apôtres et sur leurs successeurs. Or, nous entendons dire que l'Evangile est aujourd'hui rendu captif par l'Eglise et qu'il faut la détruire pour libérer l'Evangile. (…) Il y a une politique qui aujourd'hui se couvre des couleurs de l'Evangile et qui n'est pas l'Evangile.
Ce qui en troisième lieu est menacé, c'est la sainteté. L'Eglise doit faire de tous les chrétiens des saints, des imitateurs du Christ, des fils de Dieu : cette sainteté est menacée quant des chrétiens ne sont pas fidèles aux exigences de la charité. "

Message d'Oscar Cullmann, observateur luthérien auprès du Concile Vatican II.
(…) " D'aucuns pourraient voir un contraste entre l'objectif que je propose d'assigner à l'œcuménisme aujourd'hui, et les efforts que j'ai entrepris précédemment pendant les 25 à 30 dernières années pour étendre aux rapports entre catholiques et protestants le mouvement œcuménique limité à ses débuts plutôt aux Eglises chrétiennes non catholiques. A ce moment, je joignais mes efforts à ceux de certains catholiques et protestants pour faire progresser ce rapprochement. C'était alors une tâche assez difficile, car elle était en dehors des préoccupations de la plupart des chrétiens. Aujourd'hui, ce rapprochement est devenu une réalité, ce qui est fort réjouissant. Mais un certain œcuménisme devenu malheureusement, dans une large mesure, une affaire de mode, recherche l'unité à tout prix sans se soucier du fondement de la Foi, du charisme particulier et de la mission des Eglises qu'on prétend unir. Dans ces conditions, je crois devoir freiner ce que je considère comme un faux œcuménisme.
Ainsi je risque de décevoir certains qui ne manqueront pas de dire qu'avec l'âge je renierais mon passé. Je tiens donc à déclarer dès l'abord que mon ardeur œcuménique n'a nullement diminué, au contraire. Voyant menacé par le faux œcuménisme non seulement le vrai, mais la Foi chrétienne elle-même, je suis d'avis qu'il ne faut pas se retirer à l'intérieur de l'Eglise à laquelle on appartient pour sauver le fondement de l'Evangile, mais qu'il faut unir nos efforts pour essayer de préserver ensemble la Foi chrétienne des compromissions qui risquent de la ruiner.

Le Cardinal Joseph Lefebvre

Il ne faut pas croire qu'on doive faire l'unité d'abord et remettre la question de la foi à plus tard. C'est au contraire en approfondissant ensemble notre foi que nous nous rapprochons, par là même, de l'unité. "

L'intellectuel chrétien au service de l'Eglise de son temps, par Gérard Soulages." Vatican II a certainement réagi avec quelque violence au refus du monde moderne, lié à la condamnation du modernisme. Ce concile étonnant, qui n'a proféré aucune condamnation, se présente paradoxalement comme une volonté inouïe d'ouverture aux efforts de tous les hommes et aux valeurs qui commandent ces efforts. L'Eglise n'a jamais été aussi violemment missionnaire, aussi profondément catholique qu'après Vatican II. Aussi a-t-on voulu tout renouveler : liturgie, droit canon, théologie… On est allé jusqu'à assumer sans hésiter l'œcuménisme, héritage des efforts douloureux du Père Portal et de Lord Halifax : mise à jour de l'Eglise, rajeunissement de la catholicité, remontée aux Sources vivantes de la Foi - avec la folle espérance que, les chrétiens retrouvant leur unité, ce serait le monde entier qui s'ouvrirait au Christ. Même les marxistes seraient évangélisés…(…)
Faut-il regretter Vatican II et l'ouverture au monde que ce concile a apportée ? Certains ont ce regret. Ils se trompent. Vatican II est lumière de Dieu. C'est peut-être une des étapes les plus importantes de l'Eglise catholique, et cette étape ouvre le Royaume des Cieux. Mais, de même qu'après la condamnation du modernisme il était du devoir des penseurs chrétiens de s'ouvrir à la Recherche scientifique et aux justes exigences du monde moderne, de même, après Vatican II et l'ouverture prophétique à ce monde moderne, il est de notre devoir de retrouver patiemment, méthodiquement, inlassablement, la fidélité à Dieu et à son Christ, une fidélité selon l'Esprit, une fidélité qui nous enracine dans toute l'Eglise. (…)
La foi n'est pas un cri : elle est autant un acte de l'intelligence qu'un acte de la volonté. Le secret de la foi n'est pas notre foi subjective, toujours médiocre, mais la foi même de l'Eglise. (…)La foi de l'Eglise est une force, une lumière - une présence qui transforme notre propre vie, illumine notre intelligence, réajuste notre volonté, transfigure notre cœur -, et cette Force lumineuse doit devenir le moteur d'une humanité, qui peut errer et connaître la perdition, mais qui, par le Christ, par les saints, qui sont comme d'autres Christ, par la causalité mystérieuse de la charité, doit à la fin des temps aboutir à Dieu et être consommée dans le " Feu de son Amour ".

Comment retrouver l'exacte fidélité chrétienne :
a) D'abord par la voie de la réflexion intellectuelle philosophique et théologique. La crise que nous subissons est en premier lieu une crise de l'intelligence. L'intelligence occidentale est depuis longtemps malade. Je renvoie aux analyses de Bergson ou de Gabriel Marcel. Les méthodes des sciences positives, par les résultats tangibles extraordinaires de ces dernières, ont obscurci certains domaines fondamentaux de la vie de l'esprit. (…) Mais dans cet excès de réussite, nous avons oublié l'essentiel : "Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme ? " Hélas ! Le moderne ne peut plus perdre son âme : depuis longtemps il pense qu'il n'en a jamais eu, et de bons ecclésiastiques approuvent… Mais, ce faisant, le moderne a gravement obscurci le sens de sa vie et il a inventé un univers radicalement absurde. Nous faisons aujourd'hui la conquête des planètes et des atomes. Demain, nous maîtriserons les mécanismes de l'esprit humain. Mais, que faire de telles conquêtes, si nous ne savons plus ce qu'est l'homme ? Nous perdons le sens de Dieu. (…)

Le Père Régamey, dominicain

b) La redécouverte de la prière et de la tradition des grands mystiques. Si le christianisme moderne ne veut pas périr, il devra retrouver le sens de la prière solitaire, de l'adoration et de la contemplation. Dieu est éternellement jeune et Il est présent dans chaque âme. Son amour est invraisemblable et gratuit. L'essentiel pour la foi est grâce. La grâce refuse les truquages, les mensonges, les arrière-pensées. Elle demande seulement que l'on soit disponible et fidèle. Elle veut que nous retrouvions notre âme d'enfant insouciant et rieur, c'est-à-dire une nouvelle innocence qui nous délivre pour un moment du mal.

La tradition de l'Eglise n'est pas un poids que nous subissons ; c'est un instrument merveilleux grâce auquel nous pouvons échapper à la fois à notre solitude et aux conformismes du temps présent. C'est un appel à essayer de voir les choses comme les ont vues ces grands Saints qui nous ont précédés.
Et puis, on a beaucoup parlé de la prière. Je suis absolument convaincu que ce qui manque le plus à notre effort intellectuel quand il porte sur les choses de la foi, c'est que nous ne le vivons pas suffisamment dans cet esprit de prière, qui n'est plus alors prière intellectuelle, mais appel, sollicitation adressée au Christ pour qu'Il vienne en nous vivre ses mystères, vivre ses pensées, nous apprendre à nous représenter le Père, à nous adresser au Père comme lui-même l'a fait.

Conclusion : au temps des Mérovingiens, c'est l'Eglise qui, par ses moines, a sauvé le passé grec et latin. Une chose analogue doit être tentée à notre époque. Il nous faut retrouver des foyers de vie chrétienne dans lesquels la foi la plus profonde s'alliera avec la vie intellectuelle la plus élevée. Il nous faut des centres de prière et de contemplation, des communautés qui, grâce à la liturgie millénaire, grâce à la tradition de la vie spirituelle et de la vie intérieure, grâce à la charité, nous redonnent le goût du Ciel."

Gérard Soulages

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